Fauteuil Barcelona, l’un des meubles les plus aimés (et imités) au monde
« Le fauteuil est un objet particulièrement difficile. Tous ceux qui ont essayé de le créer le savent. Il y a d’innombrables possibilités et une multitude de problèmes : la chaise doit être légère, elle doit être forte et elle doit être confortable. Il est presque plus facile de créer un gratte-ciel qu’un fauteuil. »
À quatre-vingt-dix ans de sa première apparition publique, le fauteuil Barcelona de Mies Van der Rohe, véritable icône du design industriel, reste l’un des meubles les plus aimés et les plus imités au monde.
Conçu et réalisé pour le pavillon allemand lors de l’Exposition Universelle de 1929, qui s’est tenue à Barcelone. La direction du pavillon avait été confiée à Van der Rohe, architecte et designer moderniste déjà célèbre à l’époque pour avoir brillamment organisé et géré la deuxième exposition du Werkbund en 1927.
Le Werkbund était une association (en bien des points similaire aux Arts and Crafts anglais) composée d’intellectuels, d’architectes, d’artistes, d’artisans et de critiques allemands visant à « réformer les arts appliqués allemands par une véritable réconciliation entre artistes et producteurs ». Ils se sont interrogés sur les nouvelles formes et solutions à adopter pour moderniser l’architecture et le design allemands. En 1927, Mies Van der Rohe était directeur du Werkbund ; il s’occupa de coordonner les travaux pour la réalisation d’un quartier entier à Stuttgart (le Weissenhof). Cela devait être la somme des dernières avancées de l’architecture allemande. Ce « groupe de travail » inclut d’autres fervents défenseurs du mouvement rationaliste tels que Gropius et Le Corbusier.
Tel fut le succès remporté à Stuttgart que Van der Rohe obtint, avec Lilly Reich, la charge et l’honneur de représenter l’Allemagne à l’Exposition Universelle de 1929.
Le pavillon allemand fut la concrétisation de la pensée de Mies Van der Rohe et en général du Werkbund sur l’architecture ; une structure simple mais fonctionnelle, enrichie de matériaux de qualité exceptionnelle ; un espace unique à plan libre dans lequel se crée une fluidité et une communication entre l’espace extérieur et l’espace intérieur. Le tout résultant en un parfait mélange entre inspiration classique et influences extrêmement modernes. Le pavillon était dépourvu de tout mobilier, à l’exception de deux fauteuils Barcelona, conçus pour être les « trônes » pour le roi et la reine d’Espagne lors de la réception d’inauguration.
Conçu et réalisé pour accueillir un roi, le fauteuil Barcelona a été pensé dans ses moindres détails.
La structure était inspirée de la sella curulis, une chaise pliante en forme de X utilisée dans la Rome antique par les rois, dictateurs ou membres de la plus haute aristocratie. Le cadre était constitué de métaux boulonnés entre eux, polis manuellement pour obtenir un effet miroir. Le revêtement (en cuir de sanglier) était découpé et cousu à la main, tout comme les sangles utilisées pour soutenir les coussins.
Le design fonctionnel et les éléments du fauteuil Barcelona brevetés par Mies en Allemagne, Espagne et aux États-Unis, ont expiré en 1930.
Le fauteuil est fabriqué aux États-Unis et en Europe en production limitée de 1930 à 1950. En 1953, Mies van der Rohe céda ses droits exclusifs de vente à Florence Knoll, son élève et admiratrice, ainsi qu’épouse de Hans Knoll, propriétaire de la célèbre entreprise de meubles. Aujourd’hui, seul Knoll Studio peut produire le fauteuil Barcelona en suivant exactement les spécifications originales. Toutes les chaises portent le logo de Knoll Studio et la signature de Mies imprimées sur la structure : il devient ainsi facile de distinguer les modèles originaux des (très nombreuses) imitations.
Bien que Mies Van der Rohe ait été un promoteur de l’ameublement fonctionnel, facilement répliquable en série et commercialisable, on ne peut pas vraiment dire que les premiers modèles de Barcelona respectaient ces critères. Ils étaient extrêmement coûteux et difficiles à fabriquer, mais tel était le succès qu’ils avaient rencontré lors de l’Exposition, que Van der Rohe lui-même approuva des modifications : le cadre devint une pièce unique en acier inoxydable et le cuir de sanglier couleur ivoire fut remplacé par du cuir bovin noir.